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Au rythme des saisons : la saison des sucres

Au rythme des saisons : la saison des sucres  Télécharger le document original
Texte accompagnant cette peinture de Thérèse Sauvageau, extrait du livre Thérèse Sauvageau....Témoin de notre passé, Éditions Anne Sigier, 2004 :

Les sucres
Ouais, la tempête du nordet a fait son apparition. Ça va être le temps de s’appareiller  pour les  sucres. - Ah ! oui, ça s’en vient ben, pis il paraît que les siffleux et les ours sont sortis de leur trou. » Nos vieux prenaient le temps d'observer.

Trois semaines après la tombée d'une neige poussée par un vent du nord-est, et qui collait au pignon de la grange, aux troncs et aux branches des arbres, le temps des sucres était arrivé. Cette période coïncidait avec le réveil des marmottes et des ours, avec l'arrivée des corneilles et avec le gonflement des ruisseaux.

La première étape de la saison des sucres consiste à déneiger la cabane à sucre. C'est dans cet abri, appelé aussi « cabane à gueule», qu'est remisé tout le grément de la sucrerie.

On entaille les érables, chaussé de raquettes légères fabriquées de planches de cèdre sous lesquelles sont fixées d'étroites baguettes transversales pour les rendre moins glissantes. L'entaille se fait avec le coin de la hache. Le premier coup, d'une largeur d'environ six pouces, est donné à l'oblique et le deuxième coup, tranchant, fait partir un éclat, ce qui donne une ouverture descendant en biseau, de manière à ce que la sève rejoigne la pointe de cette fente. Au coin de l'entaille, on fait une incision au moyen d’une gouge afin d'insérer facilement sous l’écorce la goudrelle, petite auge de cèdre ouverte aux deux extrémités, d'une longueur d’environ six pouces. Au pied de l'érable, la neige est foulée et aplanie pour qu'on puisse déposer le récipient qui devra recueillir la sève. Ce contenant est une bûche de cèdre creusée qui peut recevoir un gallon d’eau.

Pour transporter la sève à la cabane, le sucrier fixe sur un traîneau un baril de cèdre d’une capacité de 10 à 12 seaux. La paroi ovale du tonneau a pour but de le rendre moins versant. Une gelée blanche suivie d'une journée ensoleillée favorise une bonne coulée et rend par conséquent nécessaire la tournée des érables pour recueillir la sève abondante. Le contenu de chaque cassot est vidé dans un seau et transvasé dans le baril de cèdre.

Chargé d'un seau d'eau d'érable au bout de chaque bras, et chaussé de raquettes, il n'est pas facile de conserver son équilibre à travers les arbustes sur une neige fondante et inégale. Il faut être adroit afin d'éviter les pertes. Après la cueillette, la neige est de nouveau égalisée et foulée au pied de chaque arbre pour remettre le cassot en équilibre. Le grand baril rempli, on tire le traîneau à la force du bras jusqu'à la cabane. Là, la sève est de nouveau transvidée dans une tonne. Ces opérations sont répétées jusqu'à ce que toute l'eau d'érable soit recueillie.

Le sucrier allume des feux sous les trois ou quatre grands chaudrons de fonte suspendus à une crémaillère à l'extérieur, près de la cabane. Maintenant notre homme, fatigué mais content, se repose en fumant sa pipe. Il attise le feu, il remplit et chauffe les bouilloires de façon à faire évaporer le surplus d'eau de la sève pour réduire le contenu de la cueillette. Ordinairement, l'eau du récipient central, portée à ébullition, sert à remplir les autres chaudrons. Par conséquent, l'ébullition de l'eau des deux autres chaudrons n'arrête pas.

Lorsque les bouillons commencent à prendre une teinte dorée, il y a danger qu’une montée subite du liquide provoque un débordement. Pour éviter ce renversement on suspend un morceau de couenne de lard sur le rebord intérieur du chaudron. Dès que le liquide en ébullition atteint le morceau de lard, il retombe à un niveau moins inquiétant.

Devant ses feux qui pétillent, le sucrier s'active à la transformation graduelle d'une eau légèrement sucrée en un bon sirop épais, en tire ou en sucre d'érable, puis en sucre. La famille se régalera toute l'année de ce dessert incomparable. L'excédent de la production se vendait à l'époque 50¢ le gallo de sirop et 8¢ la livre de sucre.

Au début des sucres, on ne voit pas les entailles parce que les goudrelles et les cassots disparaissent dans la neige foulée. Mais aux dernières tournées, la neige est presque complètement fondue. À ce moment, le cassot se trouve de trois à quatre pieds au-dessous de la goudrelle. Si l'on fait silence, le bruit des gouttes de sève qui tombent dans les cassots fait une jolie musique.

Pour rapporter à la maison les produits de la.sucrerie, on dépose sur ses épaules un joug ayant aux extrémités un seau rempli de sirop ou de sucre. Chaque maintient l'anse afin d'éviter le balancement. Le transport peut aussi s'effectuer à l'aide d'un berceau. C'est un genre de havresac dans lequel était rangé le produit de la journée. Le retour à pied au foyer, par un chemin quasi impraticable, chargé d'un fardeau, après une journée harassante, n'est pas de tout repos. Cependant, le sucrier repartira le lendemain matin sur la neige, alerte et heureux.

La sève recueillie à la fin du temps des sucres a souvent un goût un peu âcre. Toutefois, comme tout était mis à profit, on la faisait bouillir de façon à en réduire le volume de moitié. Le tout était filtré dans un linge d'étoffe du pays et apporté à la maison. Après un mois, ce liquide suri et fermenté devenait un vinaigre qui entrait dans la préparation de marinades d'oignons, de betteraves et de concombres.

Dans le temps passé, toutes les sucreries étaient entaillées. Celui qui en possédait plus d'une louait ses érables à la condition de se faire remettre la moitié de la production s'il fournissait tout le grément et le bois de chauffage. Par contre, le dixième de la production était accepté si le locataire apportait tout le nécessaire.

À pâques, le jeune homme offrait à sa bien-aimée un cœur en sucre. On peut s’imaginer qu’il mettait son adresse, son cœur et sa fierté dans la préparation de son présent. Le père de famille remplissait de sucre des écales d'œuf pour ses enfants. Chacun avait sa part de joie et d'amour.

Il est interdit de reproduire le texte ou l’image sans autorisation
 

Organisation : Editions Anne Sigier
Auteur(s) : Thérèse Sauvageau
Date de publication : 01 mars 2004

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