Qualité de la viande bovine : expérience d'un marché de créneau

 

 

 

 

 

 

Par : Carole Paradis, M.Sc.

Qualimentexpert enr.

 

 

 

 

 

Novembre 2000

Que recherchent les consommateurs de boeuf ?

  1. Une viande tendre…

Dans le domaine des viandes, notamment de la viande bovine, pour les consommateurs, la notion de qualité réfère premièrement à la tendreté. Ensuite viennent le critères sensoriels de couleur, de saveur et de jutosité. En ce qui concerne la tendreté, il est reconnu que celle-ci est grandement influencée par plusieurs facteurs reliés à la production ainsi qu'à la manipulation post-mortem des carcasses.

Dans une étude visant à déterminer si les consommateurs sont prêts à payer plus pour une viande plus tendre, Boleman et al. (1997) ont rapporté que les consommateurs étaient prêts à payer plus pour une viande plus tendre et de plus, ces consommateurs se sont dits plus satisfaits de la viande plus tendre et payée plus cher que de la viande moins tendre et moins dispendieuse.

Comment obtenir une viande plus tendre ?

  • alimentation (grain vs fourrage) :

Une étude réalisée en 1991 par Mitchell et al., a révélé que la longe des animaux engraissés au grain (orge) était significativement plus tendre que la longe des animaux nourris au fourrage.

La tendreté de la viande serait améliorée en ajoutant de la vitamine D3 entre 5 et 10 jours avant l'abattage (Swanek et al., 1999).

Un animal plus jeune contient moins de tissu conjonctif (collagène et élastine) qui interfère négativement sur la tendreté de la viande.

Plusieurs recherches sont en cours afin de déterminer la présence de "gènes de la tendreté".

La maturation de la viande a sans contredit un effet sur sa tendreté. En effet, une étude américaine sur la tendreté du bœuf menée en 1998 a fait ressortir qu'une des seule façon d'améliorer la tendreté de la viande résidait dans une durée de maturation appropriée. Il faut donc s'assurer que les coupes sont assez maturées avant de les mettre au comptoir (Brooks et al., 2000).

Un minimum de 14 jours de maturation serait effectif pour l'attendrissement de la viande (Nishimura et al., 1998). Le centre d'information sur le bœuf recommande également aux bouchers de laisser maturer la viande au moins 14 jours pour une tendreté optimale.

D'autres recherches considèrent optimaux des temps de maturation variant entre 12 et 16 jours (Eilers et al., 1996; Shackelford et al.,1997a,b).

L'application d'une stimulation électrique sur les carcasses augmenterait la tendreté de la viande (Roeber, et al., 2000).

Une injection des pièces de viande au CaCl2 améliorerait la tendreté de celle-ci (Milligan et al., 1997)

Le persillage, selon plusieurs auteurs dont Gwartney et al. (1996) aurait un effet bénéfique sur la tendreté de la viande. En effet, la viande plus persillée a obtenue une meilleure appréciation des juges. Par contre, comme le mentionne Wheeler et al. (1999), une durée de maturation de 14 jours amène les viandes peu persillées à un même niveau de tendreté que les viandes persillées.

Le poids étant réparti dans les muscles dorsaux de la carcasse, cette méthode de suspension améliorerait la tendreté de certaines coupes.

Cette technique est appliquée par certains bouchers. Elle a pour effet de briser les tissus donc l'obtention d'une meilleure tendreté.

  1. Une viande d'un beau rouge…

La supplémentation de l'alimentation du bœuf en vitamine E augmenterait la durée de conservation de la viande. La couleur de celle-ci se conserverait 4 jours de plus que sans vitamine E. La supplémentation de l'alimentation avec cette vitamine augmente la durée de conservation de la couleur rouge en inhibant la transformation du pigment myoglobine de couleur rouge en metmyoglobine de couleur brune.

Le rôle de la vitamine E n'est pas de prévenir le phénomène normal de décoloration de la viande mais de le retarder. En plus de retarder le changement de couleur, un supplément de vitamine E retarderait le phénomène d'oxydation des lipides (rancissement) de la viande (Faustman et al., 1998; Arnold et al., 1993a,b; Jensen et al., 1998; Sherbeck et al. 1995; Schaefer et al. 1995, Mitsumoto et al., 1993; Liu et al., 1995, Lanari et al., 1993, 1996; Chan et al., 1996; Chan et al., 1998; Lavelle et al., 1995; Sanders et al., 1997).

Parallèlement à l'injection de CaCl2, ces auteurs ont démontré qu'une solution de vitamine C améliorait la durée conservation de la couleur pour 5 jours supplémentaires (Wheeler et al., 1996).

  1. Une viande exempte de E. Coli…
  2. La possibilité de retrouver la bactérie E. coli 0157:H7 dans la viande inquiète de plus en plus les consommateurs et les transformateurs œuvrant dans le secteur de la viande. Il est toutefois impossible d'élever du bœuf sans la présence de la bactérie e.coli.

    Présentement, il n'existe pas de solution miracle pour éliminer la présence de cette bactérie des carcasses des animaux porteurs de la bactérie meurtrière. Des éléments de solutions résident toutefois dans la mise en place de précautions au moment de l'abattage et de la manipulation post-mortem des animaux.

    La norme HACCP peut contribuer grandement à une meilleure assurance de l'hygiène et de la salubrité au niveau des manipulation de produits alimentaires. Tous les abattoirs canadiens qui exportent aux États-Unis, doivent avoir reçu la certification HACCP. Bientôt, un règlement sera adopté au Canada, tous les établissements fédéraux, même ceux qui n'exportent pas, devront implanter la norme HACCP.

  3. Une viande dont on connaît l'origine…
  4. En plus de se soucier des qualités sensorielles de la viande, les consommateurs sont de plus en plus exigeants sur la connaissance de l’origine de ce qu’ils consomment (notion de traçabilité) (Quilichini et Lucbert, 1997). De plus, avec la venue de la norme HACCP, les entreprises impliquée dans la manipulation de animaux et des carcasses devront mettre en place un système de traçabilité de la ferme à la table. Avec des incidents comme la crise de la vache folle, les européens en savent quelque chose !

  5. Une viande maigre…

En plus des critères sensoriels et d'innocuité recherchés par les consommateurs, ceux-ci sont également très concernés par la teneur en matières grasses ainsi qu’en cholestérol de la viande de bœuf qu’ils achètent. Les consommateurs sont donc à la recherche d’une viande maigre et fait assez étonnant, le système de classification du bœuf vante les avantages gustatifs d'une viande persillée. Il est en effet véhiculé qu’une viande persillée est plus tendre et a un meilleur goût (Lamb and Beshear, 1998).

Pourquoi le projet natur'BŒUF dans le Bas-Saint-Laurent ?

Le projet appelé initialement "label régional" visait à créer une marque de certification ("label") qui mettait en valeur les particularités d'une viande bovine produite en région.

En respectant un cahier de charges visant à produire une viande distinctive répondant aux attentes des consommateurs, les caractéristiques recherchées pour le natur'BŒUF étaient les suivantes :

Un protocole d'analyses sensorielles et chimiques sur le natur'BŒUF…

Afin de valider les caractéristiques de cette viande ("Natur'BŒUF") et afin d'évaluer si celle-ci se distingue du bœuf "conventionnel" retrouvé dans le comptoir des viandes, un protocole scientifique a été réalisé sur une période de 4 mois et comportait les buts suivants :

"Comparer les caractéristiques chimiques et sensorielles du bœuf régional "natur'BŒUF" à celles du bœuf de l'Ouest et du bœuf de la région de la Montérégie"

puis de :

"Tester l'effet de la durée de maturation (9, 13 et 17 jours) sur les caractéristiques sensorielles du bœuf régional".

Plus précisément, cette étude a permis d'évaluer :

Méthodologie (analyses chimiques et sensorielles)

Natur'BŒUF

Bœuf de l'Ouest et bœuf de la Montérégie

Couleur du muscle frais

Les paramètres de couleur du muscle (L, a, b) de l’échelle de Hunter ont été déterminés à l'aide d'un colorimètre (Minolta, CR-200).

Analyses chimiques

Le dosage des lipides totaux, profil d'acides gras, acides gras saturés et polyinsaturés totaux ainsi que la teneur en cholestérol a été réalisé sur le natur'BŒUF, le bœuf de la Montérégie et le bœuf de l'Ouest.

Analyse sensorielle

Le test de classement par rang a été utilisé par 20 juges sélectionnés pour l'évaluation de la texture, de la saveur et de la jutosité des 3 types de bœuf à l'étude (Centre de recherche et de développement sur les aliments de St-Hyacinthe, "CRDA"). Les attributs de tendreté, de jutosité et de flaveur ont été évalués de la façon suivante :

tendreté : 1= plus tendre

2=

3=

4= moins tendre

Jutosité : 1= plus juteuse

2=

3=

4= moins juteuse

flaveur : 1= flaveur plus intense

2=

3=

4= flaveur moins intense

Texturomètre (analyse rhéologique)

La force de cisaillement a été déterminée sur les tranches de faux-filet préalablement cuites.

Résultats de analyses sensorielles et chimiques

TEXTURE (analyse sensorielle)

Le rang 1, soit la viande la plus tendre, est le plus souvent occupé par le natur'BŒUF maturé 13 jours alors qu’au contraire le bœuf de la Montérégie y est le moins souvent cité (P £ 0.05). Le rang 4 (la viande la moins tendre) est le plus souvent occupé par le natur'BŒUF maturé 9 jours et le moins souvent occupé par le bœuf de l'Ouest (P £ 0.05).

Un temps de maturation d'environ 13 jours serait donc optimal pour le natur’BŒUF et lui permettrait même de surclasser le bœuf provenant de la Montérégie au niveau de la tendreté. De même, l’analyse de la texture par le panel permet de conclure qu’une maturation de 9 jours n’est vraiment pas suffisante pour atteindre un degré optimal de tendreté pour le natur’BOEUF.

 

JUTOSITÉ (analyse sensorielle)

Le rang 4 (la viande la moins juteuse), est occupé le plus souvent par le natur'BŒUF maturé 17 jours alors que le natur'BŒUF maturé 13 jours s’y retrouve le moins souvent (P £ 0.05). La tendance, pour le natur'BŒUF maturé 17 jours (plus sec) est confirmée par la probabilité la plus faible à se retrouver au rang 1 (plus juteux). Aucune autre tendance significative ne ressort pour les autres rangs. Selon ces résultats, on peut affirmer qu'une perte de jutosité pour le natur'BŒUF surviendrait entre le 13ième et le 17ième jour de maturation.

On pourrait penser qu'un persillage plus prononcé pourrait améliorer la jutosité de la viande. Par contre, les avis sur l'effet du persillage sur la jutosité d'une viande sont partagés : en effet, selon Denoyelle (1995), une viande persillée n'est pas significativement plus juteuse qu'une viande moins persillée. Par contre, Gwartney et al. (1996) a démontré une tendance contraire, c'est-à-dire qu'une viande très persillée est plus juteuse.

Pour une viande comme le natur'BŒUF, où le moins de persillage est désiré, il serait conseillé de ne pas maturer la viande plus de 13 jours afin de ne pas causer une déshydratation excessive.

FLAVEUR (analyse sensorielle)

Le natur'BOEUF à 13 jours de maturation démontre une flaveur plus prononcée que le bœuf à 9 jours de maturation (P £ 0.05). Cette tendance est appuyée significativement (P £ 0.05) par une plus grande proportion de natur'BŒUF maturé 9 jours se retrouvant au rang 3 (flaveur moins intense) et une plus faible proportion pour le natur'BŒUF maturé 13 jours.

Wheeler et al. (1999) a également démontré qu'on améliorait significativement la flaveur du bœuf en augmentant la durée de maturation.

Si on suppose que le bœuf de la Montérégie est engraissé surtout avec du grain comparativement au Natur'BŒUF nourrit surtout aux fourrages, on aurait pu s'attendre à une différence de saveur entre le Natur'BŒUF et le bœuf de la Montérégie. En effet, Mandell et al. (1997) a rapporté qu'il existait une différence au niveau de la flaveur d'une viande provenant d'un animal fini au grain versus un animal fini au fourrage. Une finition au fourrage donnerait une viande ayant un goût de bœuf moins prononcé pouvant également présenter des défauts de saveurs. Ces différences au niveau du goût pourraient s'expliquer par la plus grande teneur en acide gras C 18:3 et une moins grande quantité de C 18:1 dans la viande finie au fourrage. Ces différences de flaveur n'ont pas été notées dans la présente étude même si les différences de composition au niveau des acides gras ont été observées. Les défauts de saveur reliée à une viande finie au fourrage a également été rapportés par Sapp et al. (1996).

Par contre, diverses études n'ont pas rapporté de différences notables au niveau sensoriel selon le mode d'alimentation des animaux. En effet, une étude menée par Simonne et al. (1996) n’avait pas démontré de différence significative au niveau de la tendreté, de la jutosité et de la flaveur selon le type de finition (fourrage vs grain). McCaughey and Cliplef (1996) ont également rapporté que les carcasses des bouvillons engraissés au pâturage seulement versus celles des bouvillons engraissés avec un supplément de grain ne montraient pas de différences au niveau de la tendreté, de la couleur, de la jutosité ou de l'acceptabilité globale de la viande.

Analyse rhéologique (texture)

Les résultats de l'analyse de la texture par la force de cisaillement ne viennent pas appuyer ceux obtenus par l'analyse sensorielle. En effet, malgré une tendance à une plus grande tendreté pour le bœuf de la Montérégie et le natur'BŒUF maturé 17 jours, aucun des cinq traitements à l'étude n'est significativement différent des autres (figure 4). La provenance et la durée de maturation n'ont donc aucun effet significatif sur la tendreté du bœuf mesurée par un analyseur de texture.

Il est tout de même intéressant de constater qu'une plus grande force est nécessaire pour couper le natur'BŒUF maturé 9 jours et que cette force décroît à mesure que la durée de maturation augmente.

Analyses chimiques

Tableau 4. Caractérisation des lipides du Natur’BŒUF, du bœuf de l’Ouest et du bœuf de la Montérégie.

Composés chimiques

Natur'BOEUF

Montérégie

Ouest

Lipides totaux (g/100g)

2.44

3.11

2.69

Gras saturés (g/100g)

1.15

1.44

1.19

Gras monoinsaturés (g/100g)

1.05

1.36

1.23

Gras polyinsaturés (g/100g)

0.21

0.26

0.21

Acide gras trans (g/100g)

0.03

0.05

0.06

Rapport cis/trans (g/100g)

7.76a1

5.91b

5.32b

C 14:0 (g/100g)

0.08

0.11

0.09

C 16:0 (g/100g)

0.67

0.83

0.70

C 16:1 (g/100g)

0.10

0.12

0.12

C 18:0 (g/100g)

0.34

0.44

0.33

C 18:1 (g/100g)

0.94

1.24

1.10

C 18:2 (g/100g)

0.12a

0.17b

0.12a

C 18:3 (g/100g)

0.03a

0.01b

0.01b

C 20:3 (g/100g)

0.04

0.04

0.04

Cholestérol (mg/100g)

52.14

51.57

56.00

1 Pour les cellules ombragées, les valeurs suivies de la même lettre ne sont pas significativement différentes (P > 0.05).

Les lipides du natur'BŒUF contiennent une plus grande proportion d'acides gras cis par rapport aux acides gras trans comparativement au bœuf de l'Ouest et celui provenant de la Montérégie (P £ 0.05). L'acide gras linoléique (18:2) se retrouve en plus grande quantité dans le bœuf de la Montérégie (P £ 0.05) comparativement au Natur'BOEUF et au boeuf de l'Ouest. L'acide linolénique (18:3) se retrouve en plus grande quantité dans le natur'BŒUF que dans le bœuf provenant de l'Ouest et de la Montérégie (P £ 0.05).

Le natur'BŒUF contient une plus grande proportion d'acide gras cis par rapport aux acides gras trans. Étant donné leur structure chimique différente des acides gras cis, les acides gras trans ne seraient pas utilisés comme acide gras essentiels par l'organisme. De plus, les acides gras trans favoriseraient l'obstruction des vaisseaux sanguins en plus de favoriser une augmentation du taux de cholestérol sanguin (Frappier et Gosselin, 1999; Lambert-Lagacé et Laflamme, 1993).

Concernant la plus grande concentration de C18:3 dans le natur'BŒUF, il a été rapporté qu’une alimentation des animaux au fourrage se traduisait par une plus grande proportion d’acide gras C18 :3 comparativement à une alimentation au grain (Mitchell et al., 1991). Les mêmes auteurs ont également démontré qu’une alimentation au grain (orge) donnait une plus grande proportion de C18 :2 dans le muscle comparativement à une alimentation au fourrage. Les résultats de la présente étude corroborent ceux de Mitchell et al. (1991) si on suppose que le bœuf de la Montérégie est engraissé avec une portion de grain beaucoup plus élevée que Natur'BOEUF.

Dans une étude visant à déterminer l'effet d'un implant hormonal sur les lipides de la viande, Duckett et al. (1999) a démontré que l'implantation aux hormones augmente la quantité de C18:0, de C18:3, d'acides gras saturés et de cholestérol alors qu'il y a diminution de C 18:1 et des monoinsaturés. En supposant que le bœuf de l'Ouest et de la Montérégie est implanté aux hormones et en sachant que le natur'BŒUF ne l'est pas, nos résultats contredisent ceux obtenus par Duckett et al. (1999).

Sans être significatif, on note tout de même une tendance pour le Natur'BOEUF à être plus maigre que le boeuf de l'Ouest et celui provenant de la Montérégie. Cette tendance n’est pas significative en raison de la grande variabilité entre les échantillons de Natur’BŒUF.

Mandell et al. (1998) ont rapporté qu'une alimentation au fourrage réduirait la teneur en matières grasses dans la viande comparativement à une alimentation au grain. Ces auteurs ont mentionné qu'une finition au grain favorisait une plus grande teneur en C 18:3 et une moins grande quantité de C 18: 1. Si on suppose que le bœuf de la Montérégie est fini au grain, ces résultats concordent avec ceux de la présente étude.

Quant au cholestérol, Taylor and Smith (1990) avaient comparé les teneurs en cholestérol du bœuf fini au fourrage versus le bœuf fini au grain et n'avaient pas noté de différence entre les deux traitements.

Une étude sur les effets d'une supplémentation de la diète avec du cuivre a révélé une réduction de la couche de gras dorsal, le taux de cholestérol et augmente le taux d'acide gras polyinsaturés dans la viande ( Engle et al., 2000).

Dans la présente étude, nous ne pouvons conclure à des différences au niveau de la teneur en cholestérol, les résultats des 3 types de bœuf ne différant pas significativement les uns des autres.

COULEUR

Couleur rouge (" a " sur l’échelle de Hunter)

Le natur'BŒUF présente une couleur rouge moins intense avant le début de la maturation de la viande mais cette différence dans la couleur entre le natur’BŒUF et le bœuf de l’Ouest et de la Montérégie s'estompe au cours de la maturation du natur'BŒUF (figure 5).

Conclusion (protocole expérimental)

Parmi les trois durées de maturation étudiées pour le natur'BŒUF, 13 jours de maturation semble être idéale pour l'obtention d'une viande tendre, juteuse et savoureuse. Une maturation de 9 jours semble nettement insuffisante alors qu'un prolongement de la durée de maturation jusqu'à 17 jours n'améliore aucunement les caractéristiques sensorielles de tendreté, de jutosité et de flaveur globale.

Le natur'BŒUF maturé 13 jours se compare avantageusement au bœuf de l'Ouest et au bœuf de la Montérégie au niveau des caractéristiques sensorielles étudiées. On peut donc s'assurer, en faisant maturer le natur'BŒUF 13 jours, d'égaler le bœuf de l'Ouest au niveau tendreté, jutosité et flaveur globale et même de surpasser le bœuf de la Montérégie pour la tendreté.

Le natur'BŒUF contient plus d'acide linolénique (C18:3) et d'acide gras cis que le bœuf de l'Ouest et de la Montérégie. La teneur en lipides ainsi qu'en cholestérol est équivalente pour les trois types de bœuf étudiés, quoiqu'une tendance à la baisse a été notée pour le natur'BŒUF.

La couleur du natur'BŒUF après l'abattage tend à être moins accentuée que celle du bœuf de l'Ouest et de la Montérégie mais la différence s'estompe au cours de la maturation du natur'BŒUF.

 

La commercialisation d'un produit de créneau : l'expérience natur'BOEUF

Trois boucheries de la région ont accepté de participer aux essais de commercialisation du natur'BŒUF. Pour cette première étape de commercialisation, le prix du natur'BOEUF était fixé au même prix que le bœuf disponible chez le grossistes. Les commentaires suivants ont été recueillis des bouchers : la viande était très belle, très maigre et surtout très tendre. Par contre, on mentionnait que les carcasses étaient trop petites…

Deux dégustations dont une avec des restaurateurs de la région du Bas-St-Laurent ont permis de constater que le natur'BŒUF avait un potentiel extraordinaire. Les rapports des dégustations font état des éloges formulées par les dégustateurs. Un reportage télévisé a fait suite à une des dégustations et les retombées publicitaires se sont fait ressentir rapidement au niveau de la clientèle des boucheries.

Suite à cet engouement de la part des consommateurs, une marque déposée a été enregistrée : l'appellation Natur'BŒUF Bas-Saint-Laurent désignait désormais le bœuf produit selon le cahier de charges spécifique au projet.

afin d'identifier le produit sur les tablettes, des affiches promotionnelles ont été mises en évidence et des autocollants sont désormais apposés sur le paquets de viande.

des tableaux permettent de retracer la distribution des carcasses ainsi que de gérer l'inventaire des têtes et de prédire, par le gain de poids et l'âge, la date optimale pour l'abattage.

Le prix de vente avait été fixé au prix du marché au cours de la réalisation du protocole scientifique. Par contre, une fois le protocole terminé, des calculs ont permis de déterminer le prix de 25% plus cher que le prix du marché. Il est alors décidé de jumeler une campagne publicitaire pour accompagner l'augmentation du prix du produit.

Malgré la promesse de publicité et leurs éloges à propos du produit, les bouchers disent NON à l'achat d'un produit de créneau à 25% plus cher que le prix du marché. Leur inquiétude : ils ont peur de perdre de l'argent. Les marges de profit étant très serrées, ils n'ont pas les moyens de prendre ce risque. De plus, la problématique des devants ressort toujours : à part les 7 côtes du devant, seuls les quartiers arrières intéressent les bouchers.

La livraison des carcasses est plutôt problématique avec le distributeur régional. de plus, les sept boucheries approchées sont plutôt réticentes à acheter des carcasses entières à un prix supérieur. Ils veulent du bœuf en boîte… De plus, ils émettent des commentaires négatifs quant à la gestion des 2 types de bœuf dans les chambres froide (Natur'BŒUF et bœuf conventionnel). Par contre, ils sont unanimes : une durée de maturation garantie d'un minimum de 10 jours leur plaît énormément.

Des démarches sont effectuées afin de centraliser la facturation pour le bœuf vendu. Jusqu'à maintenant, chaque producteur avait à gérer les factures pour la vente. Ce système de gestion était compliqué et déplaisait surtout aux bouchers.

Aucun risque ne sera pris par la compagnie de distribution. Il commandera que la quantité qui aura été vendue…Que faire alors des parties restantes (devants)? Comment planifier les abattages à l'avance (en comptant 13 ou 14 jours de maturation des carcasses) ?

La plupart des distributeurs n'ont plus de crochets à carcasse dans les chambres froides : on veut du bœuf en boîte !

La seule possibilité en région pour de la grosse découpe : 1.40$/kilo.

Chaque carcasse ou partie de carcasse porte un "tag" donnant les informations suivantes :

Le contexte du marché du bœuf étant difficile, l'abattoir cesse d'acheter des bouvillons pour la revente. Pour le projet, on peut continuer de faire abattre à forfait mais cette décision a comme répercussion la charge des frais de classification des carcasses au projet Natur'BŒUF (45$/visite du classificateur à l'abattoir).

Arrêt du projet Natur'BŒUF…

Devant le contexte difficile de commercialisation du Natur'BŒUF : une période de réflexion sur l'avenir du projet s'impose…

Depuis février 2000, il n'y a donc plus d'abattage de natur'BŒUF.

Conclusion

Le projet natur'BŒUF a un potentiel extraordinaire. La réponse positive des consommateurs suite au reportage ainsi que leur fidélisation au produit en sont la preuve. L'ensemble des réalisations entre le mois de mai 1999 et février 2000 ont permis de solidifier les bases au niveau de la production, de l'abattage, de la sélection des races, du contrôle de la qualité des carcasses ainsi que de la mise en marché du produit. De plus, le protocole scientifique a démontré que le natur'BŒUF présente des caractéristiques chimiques et sensorielles qui en font un produit haute gamme de qualité supérieure. On peut donc affirmer que la première phase, c'est-à-dire la phase expérimentale du projet natur'BŒUF, a été réalisée avec succès.

Cependant, étant donné le contexte actuel dans le marché du bœuf, il s'avérait nécessaire de prendre un temps d'arrêt pour bien évaluer les meilleures actions à favoriser pour une mise en marché optimale du natur'BŒUF.

 

 

Références (arranger les lettres dans le bon ordre)

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Liste des figures

Figure 1 : Probabilité d'obtenir un rang 1, 2, 3 ou 4 selon le traitement pour la fermeté de la viande

Figure 2 : Probabilité d'obtenir un rang 1, 2, 3 ou 4 selon le traitement pour la jutosité de la viande

Figure 3 : Probabilité d'obtenir un rang 1, 2, 3 ou 4 selon le traitement pour la flaveur de la viande

Figure 4 : Force de cisaillement du natur'BŒUF maturé 9, 13 et 17 jours, du bœuf de l'Ouest et celui de la Montérégie.

Figure 5 : Couleur rouge ("a" de l'échelle de Hunter) du natur'BŒUF maturé 9, 13 et 17 jours, du bœuf de l'Ouest et celui de la Montérégie.