Le phosphore dans les cours d'eau,
comment ça se passe?

Richard Lauzier, agronome
BRA de Bedford
Direction régionale de la Montérégie, secteur est
Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec

Mercredi, 29 mars 2000




Le phosphore dans les cours d'eau,
comment ça se passe?

Sur le ruisseau Castor, un petit tributaire de la Rivière-aux-Brochets qui serpente en milieu agricole intensif, une étude sur la charge de phosphore et sur les mécanismes de transfert a été entreprise en 1997 par Aubert Michaud, chercheur à l'IRDA.

Dans un premier temps, une série d'appareils de mesure a été installée sur le bassin versant : station de pluviométrie, échelles graduées pour arriver à calculer le débit d'eau, sonde reliée à un appareil permettant de savoir si le cours d'eau est en crue ou en décrue.

L'étape suivante a été l'échantillonnage de l'eau effectué de façon systématique, c'est-à-dire au moins une fois par semaine en temps normal, mais avec intensification lors d'événements hydrologiques importants : crues printanières, pluies abondantes, dégels hivernaux. L'idée était de mesurer la perte réelle de phosphore (et d'azote) sur une base annuelle et de mieux en comprendre les mécanismes.

Le projet comprenait d'autres volets, comme la relation avec les pratiques agricoles, la richesse des champs, l'utilisation des fumiers, la « responsabilité » relative du drainage souterrain versus les pertes par ruissellement de surface, etc.

Enfin, après deux ans et demi de suivi attentif et passionné du cours d'eau, voici les résultats en ce qui a trait à la perte de phosphore et d'azote.

À l'embouchure du Ruisseau-aux-Castors, les charges annuelles mesurées en nitrates et en phosphore total se situaient respectivement à 19 et à 1,95 tonnes métriques par année, soit une perte moyenne de 14 kg N/ha en nitrates et de 1,33 kg P/ha en culture dans le bassin.

De plus, les analyses de laboratoire, qui ont été effectuées aux laboratoires du Complexe scientifique certifié ISO 9002, permettent de préciser que le 1,95 tonne de P perdu annuellement est divisé comme suit : 0,53 tonne est sous forme de P soluble et 1,42 tonne de P est sous forme particulaire.

De ce 1,42 tonne de P particulaire, 0,54 tonne est sous forme biodisponible, c'est-à-dire assimilable par la flore aquatique.

Donc, si on additionne ce 0,54 tonne au 0,53 tonne de P soluble, la charge de P vraiment dommageable à l'environnement est de 1,07 tonne/année, soit 55 % du P total perdu annuellement. Voilà donc pour la charge.

Maintenant, passons à la compréhension des mécanismes. En deux ans de suivi, 76 % de toute cette perte de phosphore s'est produite en 16 jours de débits de pointe, soit les crues printanières de 1998 et 1999, le redoux de janvier 1999, deux gros orages (juillet 1998 et printemps 1999). La suite pluvieuse de Floyd, l'automne dernier, suit non loin derrière.

Le suivi effectué permet donc de bien valider l'hypothèse que la guerre du phosphore se gagnera en gardant les sols dans les champs. De quelle façon?

En travaillant à deux niveaux : le contrôle de l'enrichissement par une utilisation judicieuse des engrais de ferme et une juste fertilisation chimique, et la maîtrise des processus de ruissellement et d'érosion, tant dans les champs que dans les cours d'eau.

Dans le passé, on a consacré beaucoup d'argent et d'énergie à évacuer l'eau des champs et des terres très rapidement (drainage souterrain et de surface, redressement des cours d'eau). Le nouveau défi est de concilier le ressuyage des terres avec une évacuation en douceur des eaux de ruissellement : culture sur résidus, engrais verts, risbernes, avaloirs, haies arbustives, brise-vent. Bref, toute intervention qui favorise l'infiltration de l'eau plutôt que son ruissellement va aider.

Si vous voulez en savoir plus, communiquez avec moi et je vous ferai parvenir une copie du document produit par Aubert Michaud et intitulé Mode de transport du phosphore : leçons d'un petit bassin-versant agricole.

Mise à jour: 01-04-02